
PÈRE | Jacques CERTAIN (1809-1886) |
MÈRE | Marie Marthe Eugénie BEAUBIET (1819-1907) |
NAISSANCE | 28 mai 1842 – « La Guillerande », Chalais, Indre |
MARIAGE | 3 juillet 1866 – Béthines, Vienne |
CONJOINT | Louise Justine LECAMP (1840-1924) |
DÉCÈS | après 1925 |
PARENTÉ | Grand-père maternel de Marc MICHON |
« Je passais l’autre mois de vacances à Bélâbre, dans la famille de ma mère, née Eugénie CERTAIN, en 1868, à Saint-Hilaire elle aussi. Mon grand-père maternel avait été longtemps palefrenier dans le haras de monsieur THOMASSIN, aux Ajoncs, commune de Saint-Hilaire. […] Ayant fait des économies, mon grand-père avait quitté le haras des Ajoncs et acheté, à Belâbre, quelques terres qu’il faisait valoir à moitié, ainsi qu’une petite maison en bordure d’un grand pré appellé champ de foire bien qu’il ne s’y tînt jamais de foire. […] Souvent, lorsque j’étais à Belâbre je me rendais chez la mère de mon grand-père, mon arrière-grand-mère donc. […] Malgré son grand âge, elle chantait tout le jour. Un peu de sa gaieté et de son tonus sont venus jusqu’à moi, à travers mon grand-père CERTAIN et ma mère, eux aussi plein de joie.»1
Tout ce que l’on sait d’Alexandre CERTAIN tient en ces quelques lignes, illustrées d’un cliché pris en 1925. La photo d’un petit homme jovial et pétillant coiffé d’une casquette, vêtu d’un costume de laine foncée que vient égayer un mouchoir-de-cou : il sourit sous sa moustache, et les rides du soleil autour de ses yeux donnent envie d’entrouvrir une porte vers l’histoire de sa vie.
Alexandre CERTAIN est né le 28 mai 1842 à La Guillerande, une ferme de Chalais, d’un père colon et d’une mère domestique. Aîné de cinq enfants – deux garçons, puis trois filles, qui ont tous vécus après l’enfance -, il a 4 ans lorsque ses parents retournent s’installer à Bélâbre, Faubourg de La Malécoterie (là où ils vivaient avant leur mariage et où ils se sont rencontrés, là où vivait Jean, le père de Jacques, jusqu’à son décès ; là où demeurent encore en 1846 Jean BAUBIET et Madeleine MENNEQUIN, les parents de Eugénie).
La famille n’est pas riche : une fois à Bélâbre, le père est journalier jusqu’à sa mort, la mère élève ses enfants, et ni l’un ni l’autre ne sait lire, ou écrire – pas même signer. Leur vie semble néanmoins paisible et joyeuse, sans drames notables, on pourrait même dire qu’ils sont un peu loufoques et qu’ils composent avec la vie selon leurs envies. A commencer par Eugénie2, l’arrière-grand-mère qui chantait tout le jour : née Marie Marthe, elle n’utilisera aucun de ces prénoms qui ne sont ensuite répertoriés que sur peu d’actes (celui de son mariage et celui du décès de son époux, pour lesquels on avait probablement produit son acte de naissance). Sur tous les autres (actes de mariages de ses enfants, recensements…) elle se prénomme Eugénie, ou Virginie3.
Alexandre lui aussi ne portera pas son prénom de naissance pendant l’enfance : on l’appelle Aimé, et même si une erreur de transcription est possible4, c’est aussi sous le prénom de Aimé qu’il est recensé à 14 ans, alors qu’il est placé comme domestique à la ferme Les Queues à Chalais, près de La Guillerande. Ce qui incite à penser que c’est ainsi qu’on l’appelait – d’autant plus que c’est plaisant de l’imaginer !
De retour à Belâbre à 19 ans, il est exempté de service militaire pour pieds-plats5. Comme ses frère et soeurs, il a appris à lire et à écrire, et il sait signer.
En 1866, il est domestique6 chez Silvain GRÉGOIRE, qui demeure Hameau Boubon à Oulches, canton de Saint-Gaultier. Oulches se situe à quelques lieues seulement du château de Villeneuve à Rivarennes, où est placée Justine LECAMP : ils se rencontrent, peut-être lors d’une de ses missions à cheval ou en carriole, peut-être par hasard, peut-être à une fête de village… toujours est-il qu’ils se marient à Béthines, dans la Vienne, le 3 juillet 1866. Dix mois plus tard naît leur premier enfant : Marie, suivie un an après de Eugénie7. Le couple est alors installé au domaine des Ajoncs à Saint-Hilaire-sur-Benaize, commune où demeure la famille MICHON à laquelle s’alliera Eugénie des années plus tard en épousant le fils cadet, Eugène. Les enfants sont bien évidemment trop jeunes pour s’être connus à l’époque, mais on a la preuve que les parents se fréquentaient : Jean MICHON assiste Alexandre à la naissance de Marie en 1867, en qualité de témoin8. Aux Ajoncs, Justine est lingère et Alexandre travaille dans le fameux haras de Monsieur THOMASSIN, dont les souvenirs seront à l’origine de Crinière au Vent, écrit par Marc MICHON plusieurs décénnies plus tard.
Après avoir confié ses filles à Jacques CERTAIN et Eugénie BEAUBIET, le couple quitte les Ajoncs en 1870, date à laquelle Monsieur THOMASSIN lègue sa propriété à la commune pour fonder un hospice. Ils déménagent à Ingrandes, où ils sont employés à La Grand’Maison9, chez René CREUZÉ des ROCHES et Caroline RANDON de PULLY. Ils y demeurent jusqu’en 1876, avec une exception pour l’année 1873 où ils sont domestiques au Château de Varennes (Bonneuil-Matours, Vienne). Alexandre est cocher. Justine s’occupe de tâches ménagères et donne naissance à plusieurs enfants, qui voient le jour à Béthines chez Antoine LECAMP, leur grand-père maternel. René naît en 1870, Louise en 1872, Alfred en 1873. On imagine aisément Alexandre conduire la voiture à cheval qui emmène à bride abattue sa femme prête à accoucher… d’autant plus en consultant l’acte de naissance de Alfred sur lequel est inscrit qu’il est « né dans une voiture venant de Bonneuil-Matours à Béthines » ! Evidemment cela fait sourire, évidemment on s’imagine aussi les conditions, et la panique ! – Alfred survivra, se mariera et aura plusieurs enfants.
A leur tour, René et Louise sont confiés aux grand-parents paternels, à Bélâbre. Sans doute que Alfred aussi, bien qu’il n’y ait pas d’acte pour l’attester. Marie et Eugénie vont à l’école de filles, où elles sont instruites par Madame NEVEU.
Lorsque La Grand’Maison change de propriétaire, Alexandre et Justine quittent le domaine et se font embaucher près de Châtellerault. Ils y sont domiciliés en 1878, lorsque leur dernier fils Albert naît à Belâbre le 30 octobre.
Plus de trace jusqu’en 1886, où la famille réunie s’est installée à Bélâbre. Ils vivent à 8 quartier de l’Université, puis emménagent rue du vieux champ de Foire. Les enfants ont fait des études, certains se marient. Leur fille aînée décède prématurément en 1888, elle a 25 ans et laisse deux fils en bas-âge dont un nourrisson qui décédera quelques semaines plus tard. Eugénie épouse Eugène, ils sont tous les deux instituteurs et auront les quatre enfants que l’on connaît, dont Laurence qui habite chez Alexandre et Justine en 1901. René devient Maréchal-Ferrant, il part vivre à Paris et se marie trois fois. Louise suit les traces de sa soeur, elle aussi est institutrice. D’ailleurs Marc MICHON ira vivre avec elle à Châtillon-sur-Indre à l’âge de 7 ans, et jusqu’à son entrée au collège. Alfred est tailleur d’habits, il se marie et déménage dans la Sarthe. Albert sera pâtissier. Il décède à Ingrandes-sur-Vienne le 24 juillet 1918, alors affecté comme Infirmier (grade de Caporal auxiliaire) au 20e RDC PHR10, mais n’est pas considéré mort pour la France11.
Alexandre et Justine terminent leur vie à Belâbre. Il lit le journal et s’émerveille des inventions du début du XXe siècle. « On n’épate pas les autres, se plaisait-il à répéter, on n’épate que soi-même ». Elle aime que ses petits-enfants lui fassent la lecture au coin du feu, surtout son livre préféré : le Comte de Monte-Cristo. Dixit le Colonel, car bien-sûr tous les registres consultés ne remplacent pas les anecdotes transmises – ils font juste regretter de ne pas être projeté quelques heures dans le passé, au milieu de ces personnages fort sympathiques qui vous raconteraient eux-mêmes comment c’était, leur vie, en vrai.

Notes :
- in : « Mes Guerres et Mes Prisons », mémoires, Marc MICHON, Guéret, imprimerie Lecante, 1980 ↩
- Pour en savoir plus sur la valse des prénoms et l’orthographe fluctuant du patronyme de Eugénie, voir sa fiche sur Généanet ↩
- ‘Virginie’ est très proche de ‘Eugénie’, à l’écrit comme à l’oral, aussi je penche pour des erreurs répétées de transcriptions. A mon avis elle se faisait appeler Eugénie : elle prénomme une de ses filles Aimée Eugénie, et plusieurs de ses petites-filles ont hérité de Eugénie dans leurs prénoms. ↩
- Aimé pour Fils Ainé ? – à propos d’erreur, en 1861 il sera recensé sous l’identité de Anne Aimée, une fille ! ↩
- D’après les mémoires du Colonel, il aurait été « réformé en 1870 pour pieds plats, sur l’intervention de Monsieur THOMASSIN qui ne voulait pas le voir quitter son haras ». Cela semble inexact, dans la mesure où il est déjà fait mention de cette exemption en 1866, sur son acte de mariage, alors qu’il n’y aucune piste indiquant qu’il a travaillé aux Ajoncs avant 1867. Deux options : soit Alexandre a effectivement travaillé chez Monsieur THOMASSIN avant son mariage sans qu’il y ait d’actes où l’on en trouve mention pour le confirmer ; soit ça n’est pas Monsieur THOMASSIN qui est intervenu pour que lui soit octroyée cette dispense de service militaire. ↩
- Dans la domesticité, outre les fonctions « classiques », Alexandre s’est a priori « spécialisé » dans les fonctions de palefrenier et de cocher – domestique est utilisé comme terme générique, mais on trouve parfois dans les actes des précisions à ce sujet. ↩
- Eugénie est la mère de Marc MICHON. ↩
- Par ailleurs, on trouve des MICHON en nombre important à Béthines, ville de naissance de Justine, dont la grand-mère maternelle est née Elisabeth MICHON… possible cousinage, à creuser ! ↩
- Voir aussi : Manoir Saint-Victor La Grand’Maison, chambres d’hôtes et gîtes de charme ↩
- 20e Régiment de Cavalerie, ou plus probablement le 20e régiment de Dragons en garnison à Limoges. PHR = Peloton Hors Rang). ↩
- Voir : Liste des non morts pour la France ↩
Bravo pour ce voyage dans le temps ! Je ne sais pas comment tu fais pour t’y retrouver, mais quand on te suit dans ce petit monde « Bélabrais », on en redemande !! A quand le roman pour suivre les traces du colonel ???
ps: tu parles d’un dénommé Silvain, est-ce que cela ne s’écrit pas SYlvain ?mais c’est sans doute une erreur des registres !!!
Merci ! Concernant Silvain/Sylvain, ça n’est pour une fois pas une erreur de transcription : j’ai conservé l’orthographe utilisée systématiquement dans les registres que j’ai consultés, je pense que l’utilisation d’un i ou d’un y dépendait des régions.